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Publié par René Mettey

Cette Marie de l'artisanat négro-africain a des traits nettement négroïdes, mais elle est perçue comme la mère de Dieu. Marie est universelle.

Cette Marie de l'artisanat négro-africain a des traits nettement négroïdes, mais elle est perçue comme la mère de Dieu. Marie est universelle.

Marie, vierge et mère.

        Il est difficile de ne pas voir la grande figure de Marie,  "theotocos" (théotocos : "qui donne naissance à Dieu", ou plutôt, pour moi néonatologiste, "qui accouche de Dieu"[1]), déesse elle-même pour les catholiques qui la déclarèrent corédemptrice de l’humanité  avec le Christ[2]  – rétablissant de facto, volens nolens, le polythéisme – comme l’incarnation ultime et sublime des éternelles figures de la grande déesse-mère.

         Marie est en fait la mère éternelle, la "materia prima", la matérialité initiale apparue en premier à la création, que les ésotéristes ont représenté sous la forme d’une vierge noire, cette vierge noire que l’on retrouve dans quantités d’églises, et qui posent tant de problèmes à tant de clercs...

         Marie est à la fois vierge et mère car infécondée et source de tout. Infécondée par la Matière, mais fécondée par l’Esprit.

         En priant Marie, le catholique  – romain ou orthodoxe –  prie le souvenir de cette jeune fille Myriam devenue mater dolorosa pour toute l’humanité pour tous les temps. Toutes les femmes[3] se retrouvent en elle, tous les hommes se reposent sur le sein de leur mère.

         Quand je suis en peine, qui prié-je ?[4] Le Père ? Il va certes me considérer avec bienveillance  – comme le fils prodigue –, mais va me susurrer « sois fort, supporte, tu es un homme, le sommet de ma création !». Le Fils ? « souffre comme j'ai souffert, à cause de toi, et en rachat de tes péchés et de tous les autres  » ! Le Saint-Esprit ? « analyse ce qui te fait souffrir et vois comment le supporter »! Mais Marie est la seule qui me réconforte sur son sein comme ma mère le faisait.

         Marie est la nature féminine de Dieu, cette nature féminine que les Hébreux et Israélites ont fait disparaître en oubliant Ashera, la parèdre de YHWH.[5] Pourtant, « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa; homme et femme il les créa ».[6]

 

         Il est triste pour les protestants, à la suite du triste Calvin, d’avoir occulté la figure de Marie, et j’ai entendu certains d'entre eux, en fait certaines d’entre elles, le reprocher à leurs clercs avec une certaine véhémence.

         À la sortie d’un culte de Noël où aucune allusion n’avait été faite à Marie, une paroissienne avait interpellé le pasteur : « et alors, Jésus est né par génération spontanée ? Est-ce un rien que de porter un enfant et d’accoucher ? On voit que vous êtes un homme pour l’ignorer ! »

         Au temple de l’Oratoire, pourtant haut lieu du protestantisme libéral, où actuellement les deux pasteurs titulaires sont des femmes, on a osé avec crainte et tout étonné de son courage faire retentir la musique  –non accompagnée des paroles–  de l’Ave Maria à un culte de Noël...

         Et cette Marie, l'invocation à son esprit doit agir de manière fortement inspirante quand on constate, et entend avec ravissement, les multiples Ave Maria que lui ont écrit et dédié tous ces compositeurs dont beaucoup n'étaient pas catholiques, voire même étaient non-croyants ! L'un d'entre eux, Caccini, [7]se contente de ne faire répéter à la cantatrice que "Ave Maria", sans plus, pendant trois minutes, et sans pourtant jamais lasser l'auditeur. [8]

         Jacques Duquesne[9] relève : « Voici le paradoxe, brûlant : ce nom presqu'absent des Évangiles, à peine mentionné dans le Credo […], a été donné à des dizaines de millions de petites baptisées, voire à de jeunes garçons. Il a aussi été conféré à de multiples églises, chapelles et autres lieux de culte, et même à des villes et des villages ». Il continue, lyrique, « bien plus, cette quasi-inconnue a été représentée de toutes les manières et sans elle l'histoire de l'art serait tout autre. Car cette femme, ignorée des auteurs de son temps [..] a été –est toujours– priée par des millions d'hommes et de femmes. Des milliers de miracles lui sont attribués. Aucune personne au monde n'a inspiré autant d'hymnes, de cantiques, de poèmes, de récits ».

         Et en effet y eut-il dans l'Histoire une autre femme qui causa une telle dévotion affective ?

         Dolores Ibarruri, la "passionaria" des communistes espagnols, figure de la guerre d'Espagne, a-t-elle provoqué de telles créations par des artistes marxistes? A-t-elle été la source d'un culte des catholiques, car  elle mourut revenue à la foi catholique de son enfance, morte en quasi-mystique  et ayant reçu la communion et les derniers sacrements ? Élisabeth 1ère, la véritable fondatrice de l'anglicanisme, fait-elle l'objet d'un culte d'hyperdulie ? Quid de la mère de Muhammad, de celle de Siddhârta Gautama dit le Bouddha[10] ?

         Seule Myriam bar Joachim[11] a été élevée à ce point dans toute l'histoire du monde.

         Seule, elle a pu être représentée sous toutes les apparences et identifiée à toutes les femmes. (Fig.2)

 

         Et le problème de la virginité physique ? Après des siècles de discussions stériles et de précisions parfois  scabreuses, l'Église, dans sa sagesse, a sommé les évêques au concile de Vatican II de mettre fin à leurs débats. Si les réformés admettent pour la plupart la conception virginale du Christ, l'ensemble du monde protestant  se désintéresse du sujet, et beaucoup traduisent bien, dans les Évangiles, "adelphos" par son véritable sens, direct, strict et restreint,"les frères" de Jésus, ces frères ayant pu être les enfants du premier mariage de Joseph.

 

 

 

[1]La tocographie enregistre le déroulement de la parturition, la tocolyse est une médication qui arrête le travail, l'eutocie et la dystocie se rapportent à l'accouchement, facile ou difficile.

[2] Le concile Vatican II lui a retiré cette appellation.

[3] Swami Ramdas, le mystique hindou, interpelait "ami" tout homme, et "mère" toute femme, stériles et fillettes  y compris, car toute femme est source de vie, qu'elle donne cette vie et l'amour maternel matériellement ou pas. (Carnets de pèlerinage. Albin Michel).

[4] Sachant que pour moi prier est se mettre en relation avec la transcendance, en acte de fusion et en attente d'inspiration, ou de communion, ou rendre grâce; mais on peut envisager prier comme une demander (une consolation ou un conseil entre autres) ou un dialogue ('"priez pour nous à l'heure de notre mort"…)

[5] Des kabbalistes suggèrent que le tétragramme sacré, יהוה,yod hè waw hè, est constitué de ' yod et ! waw, symboles phalliques, et ה hè, symbole féminin, et que donc ce tétragramme signifie "homme-femme, père-mère". Ainsi la double nature paternelle ET maternelle de Dieu est suggérée, ou affirmée.

[6] Genèse 1, 28.

[7] Caccini ne serait peut-être pas l'auteur de cet Ave, mais le compositeur contemporain Vladimir Vavilov, qui aurait composé un pastiche ! Ainsi, même une plaisanterie devient sublime lorsqu'elle concerne Marie !

[8] "Madeleine", une jeune candidate de l'émission télévisuelle "Prodiges 3", en 2016, qui avait choisi cette interprétation, déclarait :« il faut le chanter avec cœur sinon à la troisième répétition le public se lasse ». Mais le public ne se lasse jamais !

[9] "Marie". Plon, 2004. p.11 sq.

[10] Et pourtant elle aussi conçut en songe par la visite d'un dieu sous la forme d'un éléphant blanc, d'après une tradition bouddhique…

[11] "Dieu m'a élevé"

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D
Merci René !...Cette Etude est Remarquable , <br /> je t'en Félicite !...Un Heureux Dimanche à toute la Famille ..<br /> Avec toute Notre Affection ..Dany & Fils
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