L'essence du christianisme, A. von Harnarck. Labor et fides.
Les éditions Labor et Fides ont publié en 2015 l'ouvrage capital pour la théologie protestante, mais surtout libérale, d'Adolf von Harnack. Nième réédition depuis la première édition en... 1900. C'est dire que cet ouvrage est majeur !
Mais on doit remercier les éditions Labor et Fides pour cette réédition.
En effet le texte est présenté par Jean-Marc Tétaz, théologien et philosophe suisse romand, et réformé bien sûr, dans une longue introduction (75 pages contre 202 pour le texte de v. Harnack !) qui éclaire non seulement le contexte historique de l'écriture du livre, mais aussi son contenu théologique.
JM Tétaz y adjoint les critiques et avis de Léo Beck, Ernst Troeltsch et Rudolf Bultmann, qui expliquent, complètent, corrigent et mettent en lumière le sens de cet écrit. (81 pages !).
In fine, les éditeurs auraient dû titrer cet ouvrage "L'essence du christianisme, Texte et débats, de Von harnack et Tétaz".
Le texte de v. Harnack est celui -et on le ressent dans le style, la couleur "orale" étant rendue même dans la traduction en français- des cours qu'il donna à l'Université de Berlin avant 1900.
La recherche de "l'essence du christianisme" doit être comprise comme l'étude historique de ce qui fait la substance de la doctrine chrétienne (et en cela elle diffère totalement de la recherche de mon ouvrage "L'essence du christianisme -et du judaïsme-"). Ainsi v. Harnack "fustige" la dérive des Églises grecques (id est orthodoxes) qui ont contaminé le message chrétien pur par la philosophie païenne grecque. Le logos que l'on trouve en ouverture de l'évangile de Jean étant une notion de la philosophie grecque et totalement étrangère à l'idée juive de l'Ancien testament. L'Église catholique (id est romaine) est paradoxalemnt plus épargnée, ne lui étant reproché qu'avoir été calquée sur l'Empire romain et en avoir continué l'organisation et la hiérarchie, y compris dans l'autorité doctrinale.
Cet ouvrage, dis-je, est un ouvrage fondamental -dans le sens de fondation- du protestantisme libéral, et on sera étonné de voir dès avant 1900 des affirmations hardies voire quasi-hérétiques ! Le père de von harnack lui écrivit :"qui a la position qui est la tienne face au fait de la résurection, n'est plus à mes yeux un théologien chrétien". J'ai entendu interprêter, en sous-entendu, la résurection comme symbolique plusieurs fois dans des sermons dans des temples -libéraux, cela va sans le préciser-.
Une autre assertion innattendue de cet ouvrage est la thèses que le message du christianisme prêché par Jésus de Nazareth était une rupture avec le judaïsme. Tétaz fait d'ailleurs remarquer que la thèse de théologie de v. Harnack portait sur Marcion, hérétique du deuxième siècle qui rejetait l'Ancien Testament.
Cette approche est difficile à suivre pour un lecteur contemporain qund on sait que les études historiques ont montré tout la judaïté de l'enseignement de Jésus.
Cette thèse est d'ailleurs mise à mal dans les "réceptions de l'Essence du Christianisme" jointes au texte, et particulièremnt dans "Recension de l'Essence du christianisme" de Léo Baeck.
Conseils de lecture: à lire absolument,
-pour qui ? pour les pasteurs, étudiants en théologie, séminaristes et prêtres, et... amateurs éclairés et intéressés, car ce livre n'est pas d'abord difficile, bien traduit dans une langue claire et précise. Nul n'est besoin d'être théologien et aguéri à des notions de sens spécialisé comme en regorge la philosophie (substance, étendue, nécéssité, phénomène et noumène...)
NB : je ne rends compte de cet ouvrage qu'en 2022 car... j'en ignorais l'existence. Le lendemain où j'adressais le manuscrit de mon livre "l'essence du christianisme -et du judaîsme-"à des éditeurs, je vins au temple de l'Oratoire pour une conférence, et je vis, surpris, ce même titre sur le présentoir des livres à acheter ! Synchronicité ! Mais les deux ouvrages n'ont pas la même approche, et les titres légèrement différents,