Ga Bu Zo Meu . LA LANGUE DES SHADOCKS (essai linguistique)
LA LANGUE DES SHADOCKS
Apparemment elle est une langue de débiles, ne comprenant que quatre phonèmes*:
Ga Bu Zo Meu
[prononcer Ga (a court), Bü, Tho (th comme the en Anglais), Meu (long). En signes phonétiques internationaux: Ga, By, tho, Mø]
*(rappelons que les shadocks n'ayant que quatre cases dans le cerveau, ils ne peuvent y faire entrer un cinquième concept qu'en en faisant sortir un autre).
Mais je ne me suis pas arrêté à cette première analyse et ai étudié de manière approfondie leur idiome, et me suis aperçu que rien ne leur interdisait de combiner ces phonèmes mis bout à bout, et que ceci leur permettait de parler une langue complexe, mi-agglutinante (comme le finnois, le japonais, le magyar ou le basque), mi-sémite (comme l'hébreu ou l'arabe, voire ayant quelques affinités avec le sumérien ou le chaldéen), ce qui laisserait supposer que les shadocks sont peut-être finalement de lointains cousins émigrés il y a bien longtemps de notre terre sur leur planète, ou que nous-mêmes sommes venus d'une autre planète, comme le croient les Dogons et Jean Charroux.
Dans cette langue, un mot se compose:
D'un radical suivi
-d'un déterminant primaire (substantif, verbe)
-d'un déterminant secondaire (nombre, temps)
-d'un déterminant tertiaire (genre, mode)
-d'un déterminant quaternaire au besoin, mais pas nécessairement, puisqu’ils ne peuvent intégrer que quatre concepts…
L'ordre des mots dans la phrase suffisant à exprimer la fonction d'un mot, il était inutile d'introduire d'autres suffixes pour indiquer cette fonction.
[L'ordre est le suivant:
-Groupe sujet (adjectif qualificatif*+ substantif)-verbe-adjectif attribut*-complément d'objet direct- complément d'objet indirect-autres compléments introduits par une préposition. Le complément de nom suit directement le nom qu'il complète.]
*pas indispensable
LE RADICAL.
RIEN QU'AVEC QUATRE PHONÈMES, ON PEUT CRÉER UNE LANGUE AUSSI RICHE QUE LE JAPONAIS, LE FINLANDAIS, L'HÉBREU!
Les langues sémitiques (Hébreu, Arabe) utilisent des radicaux comportant TROIS CONSONNES. [ex S (ou Sh)-L-M : ShaLoM, SaLaM : paix]
Avec donc seulement trois consonnes ces langues reconstituent tous les mots indispensables au langage concret et à la pensée abstraite.
Elles n'adjoignent que de très rares radicaux à quatre consonnes (S L M N : SliMaN, SouLeiMaN… SaLoMoN. M H M D : MoHaMeD, MouHaMaD, MeHMeT: MaHoMeT) surtout pour les noms propres, ou deux (BN : iBN, BeN: fils), ce qui prouve que ces deux gammes n'ont pas été épuisées, et que trois consonnes suffisent amplement.
Donc on peut, avec trois phonèmes (Ga Bu Zo; Bu-Zo-Meu; Zo-Meu-Ga; puis les lignées Ga-Zo-Meu, Ga-Meu-Zo, puis en doublant GaGaBu… ou Triplant, ZoZoZo……), créer tous les radicaux voulus.
Ex: Ga-Bu-Zo: radical pour chien
On peut au besoin rajouter une gamme à deux phonèmes (Ga-Bu, Bu-Zo, Zo-Meu, Meu-Ga)
ou quatre pour les noms propres par exemple, comme en hébreu ou arabe.
LES DÉTERMINANTS:
PRIMAIRE: (vient derrière le radical)
Ga : substantif
Bu : verbe
Zo: adjectif
Meu : adverbe ou pronom
GaBuZoGa le chien
GabuzoBu aboyer, ou se conduire comme un chien, ou mordre
GabuzoZo: canin
GabuzoMeu : chiennement.
On voit déjà que cette langue a une richesse d'expression très fine, car GabuzoBu et GabuzoMeu peut déjà être interprétée au sens matériel ou figuré.
SECONDAIRE:(vient en second)
Pour un substantif ou un adjectif:
Ga: singulier
Bu: pluriel
et même: Zo: duel, comme en grec ou en sanscrit
Meu: pluriel collectif
ex gabuzoga: le chien
gabuzobu: les chiens
gabuzomeu: la meute
gabuzozo: le couple de chien et chienne!
Quelle belle et raffinée langue!!!
Pour un verbe: le temps :
Ga passé
Bu présent
Zo futur
Meu participe
L'infinitif est rendu par le présent sans sujet:
Présent :
Gabuzoga gabuzobu: le chien mord
Gabuzobu: mordre
L'impératif par le futur sans sujet :
Gabuzoga gabuzozo le chien mordra
Gabuzozo : Mord! (l'hébreu utilise le même moyen: le futur à la deuxième personne a valeur d'impératif: tu ne tueras pas = ne tue pas)
Les modes subjonctif, conditionnel, putatif, aoriste (le shadockien des érudits possèdent une dizaine de modes, comme le sanscrit, le russe) etc… étant introduits par des conjonctions auxquelles on aura réservé les radicaux à un ou deux phonèmes
Ainsi:
Ga: Si; Bu: Que(conjonction) ; Zo: Que (pronom relatif) ; Meu: et. Meumeu: à la fois
TERTIAIRE.
Substantif ou adjectif: genre
Ga: masculin
Bu : féminin
Zo: masculin et féminin (la seule langue à avoir ce genre!, ainsi, quand un adjectif a deux sujets, l'un masculin, l'autre féminin, le masculin ne l'emporte pas, il n'y a plus de bagarre des féministes!)
Meu : neutre
Gabuzoga le chien mâle
Gabuzobu la chienne
Gabuzozo : le chien (canis canis)
Verbe: précision dans les temps
En redoublant le deuxième déterminant, on introduit les notions de futur antérieur, de plus que parfait:
Ga, imparfait
Gaga plus que parfait
Bu: présent
Bubu: passé simple, ou récent (prétérit des allemands, perfect des anglais)
Zo: futur
Zozo futur antérieur
Meu participe:
Meuga participe passé
Meubu participe présent
Souplesse et finesse de cette langue:
On peut rajouter un quatrième déterminant, au besoin, pour affiner le sens:
Ga: sens fort
Bu: sens faible
Zo: sens propre
Meu: sens figuré
Ex: Gabuzobu: se conduire comme un chien
Gabuzobuga aboyer
Gabuzobubu: japper
Gabuzobuzo : se conduire comme un chien : mordre
Gabuzobumeu: se conduire comme un chien.(sens moral)
N.B. Il faut remarquer que si le cerveau des shadocks n’a que quatre cases, et donc que ceux-ci ne peuvent avoir que quatre notions en même temps en tête, une notion nouvelle chassant obligatoirement une antérieure, ils peuvent faire se remplacer ces notions, et donc peuvent s’exprimer avec des mots de plus de quatre phonèmes. Certes l’expression doit se ralentir un peu au passage à la cinquième syllabe, le temps que la cinquième chasse la quatrième qui chasse la troisième … jusqu’à la première qui sera éjectée… mais l’idée globale restera dans leur conscience, car les mots servent à faire naître une image mentale dans l'esprit (voir mes articles sur la conscience sur ce même site). Une fois l'image, même complexe, établie, les mots s'effacent.
Exemple:
Lexique: Gazobu: chat; Gazobubu: miauler; meumeububu: appeler
Ga Gabuzobu Gazobubu, Meumeububu Gazobubuzo!
Si les chiens miaulaient, on les appellerait des chats!
Cette langue des shadocks n'est donc pas une langue de débiles! Il suffisait de l'étudier sérieusement : elle est moins complexe qu'une autre langue agglutinante comme le finnois, qui possède des mots autrement longs, ou que le hongrois; elle est moins complexe aussi dans la variété d'expression que le japonais, mais est finalement aussi riche que toutes ces langues agglutinantes, avec en plus la même palette de radicaux que l'hébreu ou l'arabe.
Exercice et exemple de la beauté de cette langue: traduisez ce poème:
Ga Gameumeugabu Bubuzobu Bugazogaga Bubugagameu
Si une vache donnait du jus de rose
Bubugagameu Bubuzobu Gagazogagameu
La rose donnerait du lait
Meu Buzomeugabumeu Bugazogagameu Buzomeugagameu
Et les fleurs du jus de navet
Ga Meumeu Gazozogagabu Meuzobubuga Bububuzogabu Zo Gabuzogagabumeu
Si à la fois une shadockienne était aussi fidèle qu'une chienne
Ga Zomeugazogabu Zo Gazobugagabu
Aussi douce qu'une chatte
Ga Meumeuzozogabumeu Zo Bubugagagabu
Aussi belle qu'une rose
Meuga, Gazozogagaga, Meuzobububu Zo GBZM !
Moi shadock, je serais aussi heureux qu'un Dieu* !
*Le nom de Dieu ne doit ni s'écrire ni se prononcer. On le remplace par l'initiale des quatre phonèmes de base.
Pour comprendre ce poème, lexique des radicaux utilisés :
Ga: mammifère, d'où Gabuzo: chien, Gazobu: chat, Gameumeu: bovin; Gagaga: homo sapiens Gazozo: homo shadockiens
Bu: règne végétal, d'où Bububu : fleur ; Bubuga: rose; Buzomeu: navet
Jus: Bugazo; lait: Gagazo ("jus de mammifère")
Don: bubuzo Meuga: moi
Existence: meuzobu; Fidélité : Bububu ; douceur: zomeuga beauté: meumeuzo .
CONCLUSION.
Cet exercice semble une pure fantaisie, mais il est plus profond qu’il n’en a l’air !
Pure fantaisie ? mais le docteur Zamenhof n’a-t-il pas créé lui-même une langue artificielle, avec l’esperanto ? Et n’a-t-il pas fait des émules avec les créateurs de l’ido (esperanto « naturalisé »), du volapük, du latino sine flexione, qui lui-même a donné naissance à l’interlingua …
Cet exercice n’est pas près de cesser, vue la floraison actuelle découlant des « sagas » romancières reprises par le cinéma : le klingon, langue d’un peuple extra-terrestre de la série Star Trek ; le dothraki, de la série télévisée Games of thrones ; le navi, du film Avatar de James Cameron ; l’elfique, langue des elfes du Seigneur des anneaux de Tolkien…
Ces dernières langues ont, à mes yeux, un défaut : toutes ont été inventées ─ et développées, voire devenues par jeu de véritables langues vivantes ─ par des linguistes (il existe une société, la Language creation society, composée de linguistes diplômés !) dont la langue maternelle est flexionnelle (et pour la plupart l’anglais). Elles ne sont que des jeux et n’apportent rien pour la résolution des problèmes linguistiques fondamentaux : le classement des langues et leurs filiations.
Pure fantaisie ? mais n’a-t-il pas été au passage montré que, si le shadockien est indéniablement une langue de la famille polysynthétique (autrefois appelées agglutinantes), il se trouve naturellement emprunter des aspects des langues sémitiques, c’est à dire flexionnelles ?
Il se trouve aussi que l’esperanto, langue totalement artificielle, créée par un locuteur d’une langue flexionnelle, calqué sur des langues toutes de la famille flexionnelle, et même réduites à la famille indo-européenne (pour mémoire : latin et ses épigones français, italien ; slaves et ses épigones russe, polonais…), se trouve in fine être une langue polysynthétique !
Et les linguistes d'attirer l'attention sur le fait que l'anglais contemporain rejoint le chinois dans la formation d'expressions nouvelles ! [id est : juxtaposition de mots courts, souvent monosyllabiques : "car wash" = lavage de voiture; "home-jacking" = vol de voiture en pénétrant dans une maison ! ]
Cet exercice, totalement ludique au départ, se trouve appuyer la thèse des linguistes qui estiment que le classement des langues de l’humanité en monosyllabiques, polysynthétiques (agglutinantes) et flexionnelles n’a pas grand sens.
Le grand débat actuel sur l’origine du langage humain et des langues de la planète voit s’affronter deux hypothèses :
La plus classique est que toutes descendent du même langage qui se serait différencié ensuite en grandes familles puis en groupe de langues : langue primitive (voir Marcel Locquin « Quelle langue parlaient nos ancêtres préhistoriques?» Albin Michel, Paris, 2002) puis grandes familles monosyllabique, agglutinante, flexionnelle et enfin famille nostratique ayant donné l’indo-européen, famille asiatique ayant donné le chinois, le mongol etc…).
Une tendance moderne prétend qu’en fait un groupe humain quelconque isolé peut inventer une langue seul ex nihilo et sans rapport avec les autres langues.
Eh bien cet exercice « ludique » conforte cette seconde hypothèse ! A partir de quatre phonèmes ou de quatre notions de base, on peut voir naître une langue complexe et subtile !
Exercice futile ?
Cette idée de départ de se donner une règle simpliste de base et de voir ce qui en découle est en fait un exercice très moderne et « in ».
Dans « Y a-t-il un grand architecte dans l’Univers *», le célèbre Stephen Hawkin et Leonard Mlodinow, physicien du « CalTech », exposent un « jeu » de Conway : cette construction est ultrasimpliste : elle suppose un grand damier indéfini. Une case, appelée cellule, est dite vivante ou morte. Trois règles : 1/ une case vivante qui a deux ou trois voisines vivantes survit ; 2/ une case morte qui a trois voisines vivantes devient vivante à son tour ; 3/ dans les autres cas, une case reste morte ou meurt (soit elle est seule : meurt de solitude ; soit elle est entourée de plus de trois voisines : meurt de surpopulation).
Eh bien ce jeu aux bases si simples se développe et reproduit tout le schéma de l’univers, physique et chimie, y compris l’apparition et le développement de la vie ! (voir op. cit. p.209-218).
Douglas Hofstadter, dans « GÖDEL, ESCHEL, BACH , les brins d’une guirlande éternelle »** rapporte la création d’un système de langage informatique complexe, autant que COBOL ou FORTRAN, en se donnant des règles de bases encore plus simples ! De plus, ce « système MIU » induit une nouvelle théorie de la logique !
*Editions Odile Jacob, Paris, 2011. Traduction de « the great design » 2010
**Dunod, Paris, 2000