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Cet ouvrage est paru fin juillet sous le titre "Les énigmes de la conscience" (Éditons Frison-Roche, Paris).  C'est pourquoi vous ne trouverez ici que des extraits significatifs, mais aussi la dernière version augmentée de mises à jour (en caractères bleus).

 

VI.2.2  Dans les autres règnes .

                                 

 Avant-propos : la recherche d'un état de conscience  et sa supposition chez des animaux (voire des végétaux) entraîne des réactions paradoxales ! En effet, la majorité des scientifiques se déclarent agnostique, athée, voire matérialiste[1]. Pourtant à l'évocation d'une conscience animale, beaucoup de  se cabrer, se fâcher, et d'excommunier (!)  les chercheurs en ce domaine. La cause est entendue, la doxa énoncée : seul l'Homo sapiens a une conscience.

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L'homme de science se doit :

-de n'admettre comme prémisse rien qui ne soit démontré objectivement antérieurement* ;

-de manipuler les concepts à partir des résultats d'expérimentations ou de constatations[5] objectives ;

-de n'interpréter les faits qu'à l'aide de la logique formelle, et pas-à-pas pour éviter les "non sequitur" ;

-d'expurger de son esprit toute pétition de principe incrustée par la religion, les idéologies politiques, la morale, la sentimentalité dont l'altruisme** ...

 

Cette attitude, indispensable dans toute recherche scientifique, est encore plus nécessaire quand on aborde le sujet de la conscience hors de l'homme.

 

                  VI.2.2.1 Règne animal.

       Pour ne pas entrer dans une énumération surabondante des capacités animales qui prouvent une intelligence bien supérieure que l'on pouvait le croire chez les animaux, et qui peuvent faire supposer chez beaucoup d'entre eux une réelle conscience, on peut se reporter aux différentes synthèses de qualité, identifiant les scientifiques cités, dans le magazine Le Point 5 décembre 2013, n°2151, ["Vous avez dit bêtes" ?  Violaine de Montclos, p.77-82; "L'animal est un homme comme les autres". Frédéric Lewino et Gwendoline dos Santos, p.86-94]; et l'enquête spéciale de Science et Vie de janvier 2013 ["À quoi pensent les invertébrés ?" Jérôme Nouyrigat].  De même je ne citerai que rarement les publications scientifiques, trop nombreuses et tombées dans la connaissance générale.  

 

      Les Hominidés et principalement les Pongidés (Orang-Outans, Gorilles, Chimpanzés, Bonobos).

    Plus que par leurs ressemblances physiques et comportementales, c'est de leur proximité génique et surtout  chromosomique avec l'homme qu'il faut se poser la question de la conscience. 

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        Après s'être désintéressé des singes que l'on jugeait a priori comme siège d'un esprit incapable de raisonnements autres qu'instinctif ou primaire*, les chercheurs en psychologie se sont impliqués dans l'étude de leur psychisme en leur appliquant les mêmes procédures qu'aux hommes. Cette sollicitude est fort récente, peut-être fut-elle provoquée par l'application des techniques du caryotype des hommes à l'étude du caryotype des primates ?

      Et les résultats obtenus ont provoqué l'étonnement voire la stupéfaction de la communauté scientifique.

         Alors que l'on prétendait :

        - que les singes ne pourront jamais parler, non seulement parce que leur larynx est mal placé, mais surtout qu'ils n'ont pas la zone de Broca[8] dans leur cerveau, ou tout au moins peu développée, des chimpanzés ont appris à prononcer des mots en anglais ;

       -que le langage est impossible à ces animaux, des chimpanzés ont appris plusieurs dizaines, voire centaines, de mots ;

       -que même capable de reconnaître des mots les chimpanzés n'en manieraient pas la symbolique, alors que le bonobo Kanzi[9]  en comprend 3 000 et connaît le sens de 400 symboles par sa tablette numérique;

       -que même s'ils étaient capables de comprendre des mots ils ne sauraient les agencer en phrases, alors que le même Kanzi construit des phrases à partir de 400 symboles sur son clavier; certains autres sont capable d'analyser un symbole.
 

     Sur ce  même registre du langage, pour contourner l'écueil du larynx et de la zone de Broca, des primatologues ont tenté d'apprendre le langage des signes à des pongidés, et là aussi avec un

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succès inattendu[10].

   

  Alors que l'on prétendait :

    -que le propre de l'homme est de faire des outils, les singes s'en sont montrés capables aussi; mieux, devant la réplique : seul l'homme peut confectionner des outils pour faire d'autres outils ! le singe aussi a été surpris à "faire des outils pour faire des outils" ! Ce qui prouve, au-delà de la simple performance d'habilité technique, une pensée élaborée pour se projeter dans une situation à venir. Et qui dit pensée réflexive élaborée dit conscience.

      Un orang-outan femelle, animal que j'ai estimé ci-dessus comme ayant le Q.I. le moins élevé des pongidés, a été aperçu confectionnant un hamac en tendant une pièce de tissu en l'attachant par des nœuds aux barreaux de sa cage[11];

    -que seul l'homme peut construire une culture et la transmettre par apprentissage à ses descendant, des singes, et non seulement des pongidés mais aussi  des macaques, en sont capables.

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    Ainsi, à moins de souscrire aux hypothèses de Julian Jaynes (vide supra VI.2.1.2), ces comportements observés et ces tests conduisent à supposer une  intelligence réflexive et donc une conscience, au moins au "deuxième degré et demi", au moins chez les pongidés et même en deçà.

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         La conscience de soi. La théorie de l'esprit chez les pongidés.

        Certains scientifiques estiment que, quel que soit le degré de conscience personnelle d'un animal, celui-ci reste un "égocentriste absolu", n'ayant conscience que de soi, les autres êtres n'étant qu'une extension de soi auxquels  il ne prête aucune volonté distincte ni aucune vie intérieure. Il serait même incapable de se délimiter.

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  La compassion, l'empathie.

     Si, comme le soutient DamasioB, la compassion et l'empathie sont des prémisses ou des prérequis de la conscience, voire une preuve de sa présence, de nombreuses études ont montré que les singes supérieurs en sont pourvus.

     Certes, les pongidés, et surtout les chimpanzés, sont fortement hiérarchisés et capables d'actes cruels (frapper les inférieurs hiérarchiques qui se permettent des écarts*, se protéger d'un agresseur en arrachant un bébé à une mère pour s'en servir de bouclier; tuer les enfants d'une guenon pour éliminer sa descendance et se reproduire avec elle etc...), mais les observations d'affection et de compassion se sont multipliées.

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       En conclusion, les primates, et parmi eux les pongidés au plus haut point :

   -possèdent les substrats neuroanatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques nécessaires à la conscience, et sont capables de comportements intentionnels (déclaration de Cambridge du 7 juillet 2012);

   -ont des capacités intellectuelles supérieures leur permettant de fabriquer des "outils pour faire des outils";

    -possèdent les aires du langage, sensitives, mécaniques et les relais les unissant, et ne sont handicapés que par la configuration de leur larynx, mais accèdent au langage (vocabulaire et syntaxe) par la langue des signes et par le relai de l'informatique ;
 

    -ont des modes de raisonnement traduisant une vie intérieure;

   -sont capables de faire naître des cultures;
 

    -ont conscience de leur propre existence et la distingue de celle

des autres;

    -formulent la "théorie de l'esprit";

    -manifestent sentiments, émotions, compassion et empathie;

                       il n'est aucune raison de leur dénier une conscience.    

      

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     Des autres mammifères aux oiseaux. 

 

     Capacités intellectuelles.

   Certains animaux sont prodigieusement intelligents et sont capables d'accéder à une compréhension du langage étonnante.

    Si certaines races de chiens sont stupides  (certaines ne peuvent être dressées car incapables de comprendre des mots et de mémoriser des actions plus qu'un jour !), d'autres sont au

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sommet de l'échelle.

 

   Une dauphine XXXXXXXXXXXXXXX

    Cette compréhension et utilisation du langage est aussi partagée par des perroquets*, dont il faut faire litière aujourd'hui d'une simple répétition mécanique de sons. Un perroquet ne répète pas "comme un perroquet", certains assimilent le sens des mots et les utilisent à bon escient, construisant des phrases. XXXXXXXXXXXXXX

  Pour les performances intellectuelles, des mésanges sont capables de mémoriser 16 enchaînements (lever un levier, en abaisser un autre, tirer une ficelle, basculer une trappe...) à la file et dans le bon ordre pour obtenir une cacahouète.

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  Les corvidés démontrent aussi des capacités de raisonnement identiques, allant jusqu'à l'utilisation d'outils, non seulement par utilisation d'objets adéquats pour une utilité donnée, mais de tordre ceux-ci pour une action donnée. Les ménates, de cette famille, sont aussi doués pour accéder au langage comme des psittacidés.  

 

    On prête aux  éléphants, à mesure qu'on les étudie, de plus en plus de capacités d'analyse et de réflexion. XXXXXXXXXXXXXXXXXXX

 

   La connaissance de soi et la théorie de l'esprit.

 

   À l'épreuve classique déjà évoquée permettant de juger si un être a la perception de sa propre existence et se distingue des autres, répondent positivement : le chien, le dauphin, l'éléphant, le rat, et enfin certains corvidés !  

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  L'empathie, la compassion, l'altruisme.

 

      Les exemples, tant en expériences scientifiques de laboratoire qu'en observant des animaux dans la Nature, concèdent encore d'incontestables capacités d'empathie, d'altruisme et de compassion chez de nombreuses espèces, et précisément chez celles qui viennent d'être citées pour leurs capacités d''intelligence, de théorie de l'esprit et de connaissance de soi !

 

    Les dauphins [XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX]

    Les orques[XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX]

     L'altruisme des rats a été prouvé en laboratoire [XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX]

 

     Les éléphants [XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX]

 

   On n'a pas pu mettre en évidence des conduites altruistes chez les corvidés et mésanges, pourtant si intelligents, hormis les conduites instinctives de protections des jeunes par la mère ou le couple. En revanche de multiples témoignages d'affection et de compassion sont fournis par les perroquets. L'un d'entre eux, alors que sa maîtresse était attristée par une très mauvaise nouvelle, entendit son perroquet lui demander « est-ce que ça va bien ? ».

 

   Le chat, comme souvent, "pose problème".

        En continuant cette recherche de l'apparition de la conscience, en descendant dans l’évolution, ou dans l'éloignement de l'espèce Homo sapiens, on ne peut fixer une frontière nette d'existence ou de non-existence de celle-ci. On ne peut être affirmatif qu'aux extrêmes : l'homme a une conscience au plus haut degré, les espèces proches un certain degré; les espèces primitives n'en sont pas pourvues ! Mais dans cette échelle, la frontière est floue et ne peut être fixée à aucun échelon.                                      .

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Lire la suite :

http://www.rene-mettey.fr/pages/LE_CHAMP_DE_CONSCIENCE_7_Les_mollusques_les_poissons_les_insectes_les_vers_les_etres_unicellulaires-9007303.html

 

[1]L'athée réfute la notion de "theos", soit un dieu unique et personnalisé tel que supposé par les religions monothéistes; le matérialiste va à l'hypothèse ultime : tout est matière. L'agnostique, prudemment, déclare ne pouvoir conclure, mais pense et réagit comme un athée!

[2] Malebranche, ecclésiastique disciple de Descartes, frappant du pied brutalement au ventre  sa chienne favorite enceinte, et celle-ci hurlant de douleur, répliqua à son visiteur Fontenelle : « ça crie, mais ça ne sent point ».

[3] Épiphyse. Et pourquoi pas l'hypophyse, symétrique de l'épiphyse à l'autre extrémité du corps calleux ? Les traditions du sous-continent indien (hindouisme et lamaïsme) font de l'hypophyse le "troisième œil", lieu de la liaison entre le samsara (le monde matériel) et l'atman (l'âme du monde).

[4] L'inquisition n'existait plus en France au temps de Descartes, mais la dernière sorcière a été brûlée sous Louis XIV, et les derniers homosexuels masculins sous Louis XV...

[5] Il est difficile de recréer en laboratoire la comète de Halley...

[6]Pierre Cassou-Noguès, op. cit. p. 52.

[7]Expansion scientifique Ed. 1975

[8] Zone du cerveau gauche centre du langage, tout au moins de sa formulation. Les sujets victimes d'un accident vasculaire cérébral droit garde une parole normale, si l'accident est à gauche les victimes ne peuvent plus parler qu'indistinctement, tout en conservant un langage intérieur.

[9]Le Point, op. cit. p.88

[10]Le langage des signes est reconnu, chez l'homme, par la zone de Wernicke, puis la réponse est transmise par cette zone à la zone de Broca par un faisceau spécial, et enfin cette zone transmet les ordres moteurs pour répondre. Les chimpanzés ont donc, comme l'homme, un ensemble zone de Broca-zone de Wernicke fonctionnel.

 

[11]Témoignage de Violaine de Montclos, Le Point, n°2151, 2013, p.77

[12] Il travaillait sur une variante perfectionnée du test de Gallup, biologiste à l'Université de New York, dans les année 1970.

 

[13]Il est un fait qu'aucun animal n'accède  au stade de se demander : « qui est ce Je qui est ? ».

[14]Titulaire de nombreux titres et honneurs internationaux.  Elle fut la première à utiliser la méthode de vivre au milieu de primates. Elle fut ainsi la première à constater que le chimpanzé utilise des outils. Elle est aussi anthropologue...

[15]Le Point, op.cit. p. 94

[16] Les cimetières d'éléphants sont une légende, les carcasses retrouvées assemblées n'étant que des lieux de dépeçage par des braconniers ou des chasseurs.

 

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