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Publié par René Mettey

LE CLAN SPINOZA

MAXIME ROVERE

 

Pavé lourd -750 g-, épais -560 pages-, parfois peu digeste -quelques passages aurait mérité un raccourci-, mais à lire de toute urgence, ou de toute nécessité, par les spinozistes, dont je suis, les anti-spinozistes, et ceux qui ne le connaissent pas !

Maxime Rovere est un expert de Spinoza et il a écrit de multiples et profonds ouvrages sur son "maître", mais ici il sort de son rôle antérieur pour nous livrer l'homme Spinoza.

Ce philosophe prétendu éthéré, efféminé, fragile, anorexique, enfermé en ermite dans sa chambre, pensant en profondeur tout en polissant en superficie des lentilles d'instruments optiques, il nous le fait devenir vivant et incarné, joyeux compère dans sa bande d'amis, aimant boire avec eux au cabaret, parfois plus que de raison (!), ayant certainement eu quelques aventures féminines, peut-être tarifées ! Parfois colérique, avec ses amis, ses ennemis. Et même téméraire et irréfléchi quand il veut  affronter la populace et manque de se faire dépecer, elle qui vient de massacrer les frères de Witt !

On est ici à mille lieux d'étendue de la substance jusqu'ici supposée de Baruch -ou Bento-.

On y voit exposée sa généalogie -complexe et fournie car les sépharades avaient de nombreux enfants- où l'on s'y perd un peu, voire beaucoup, mais dont l'histoire permet de comprendre mieux l'évolution in fine de la pensée de Spinoza. De famille marane espagnole puis portugaise, c à d de ces juifs convertis de gré ou de force, chrétiens de façade mais peut-être juif de derrière celle-ci. On comprend alors le retour sur la fin de sa vie au Dieu de l'ancien testament et à la figure de Jésus-Christ. C'est ce retour qui justifie encore aujourd'hui le refus de certains juifs de la levée du herem ("excommunication" juive).

On y voit vivre sa longue proximité intellectuelle avec de grands penseurs de ce temps, Oldenbourg, Huygens, Meyer, Newton. Au passage, "en prime", cet ouvrage nous fait connaître des personnalités connues ou peu connues, philosophes, scientifiques, hommes politiques, de ce siècle bouillonnant d'idées, et même nous fait découvrir la personnalité majeure de Sténon (qu'en tant que médecin je ne le connaissais que par le canal salivaire qui porte son nom !), médecin, philosophe, protestant devenu "spinoziste" puis mystique et propagandiste catholique ! Sténon avec qui Baruch eut de longs échanges amicaux puis inamicaux, et qui manquèrent la  réconciliation ultime de peu !

Rovere détruit aussi quelques mythes. La communauté juive d'Amsterdam et des Pays-Bas ne fut pas une communauté soudée et solidaire mais une population où régnait la compétition et l'exclusion ! On y constate un inattendu "antisémitisme" des séfarades envers la communauté askhénase polonaise !

Les "transits" de juifs vers le christianisme y étaient fréquents... autant que les passages de chrétiens au judaïsme ! (seule parfois la peur de la circoncision "à vif" en retenait certains !). Les unions concublnes ou ancillaires n'en étaient pas exceptionnelles entre les deux communautés, avec naissances douteuses.

On y ramène le herem prononcé contre Spinoza à sa juste valeur : un énoncé de formules rituelles dépassées, déclamées sans conviction, malgré l'ire du grand rabbin Saül Lévi Morteira, véritable Torquemada chez les juifs !

Rovere s'excuse en préambule de la forme "roman historique" de son ouvrage, mais il insiste sur la réalité de tout ce qu'il rapporte. Excuses acceptées : car les dialogues, descriptions de l'environnement, des habits, des boissons, des décors, donnent vie aux personnages. Un Nième traité savant sur Spinoza, on n'en avait pas besoin !

Conclusion : je le répète, à lire de toute urgence et de toute nécessité.

 

 

La dernière fois que j'ai rencontré Dieu

Franz-Olivier Giesberg

Curieux homme que ce Franz-Olivier Giesberg.

On le connaît personnage médiatique, aux nombreuses apparitions télévisuelles, historien politique, essayiste et romancier prolifique,  -sa liste "du même auteur" nécessite deux pages dans son dernier ouvrage-, et voilà qu'il paraît en mystique panthéiste dans une ode à la divinité -on ne peut la nommer Dieu, malgré le titre- d'inspiration toute hindouiste (auquel il fait largement référence). Bref un Vivekananda, Krishnamurti, Swami Ramdas, revus par Spinoza et Saint François d'Assise.

Si j'évoque Swami Ramdas ("maître adorateur de Ram" en hindi), c'est que, comme lui, Franz-Olivier est parti à travers le monde à la recherche de l'expérience mystique, dans le désert, dans un temple bouddhiste, comme Ramdas parcourait l'Inde à la recherche du darshan (la contemplation), et qu'il l'a trouvée ! 

Si, dans un premier ouvrage, "Dieu, ma mère et moi",  "la pudeur l'avait retenu" de parler de Dieu, ici elle ne le retient plus de raconter ses illuminations, dont celle dans le désert* qui lui valu l'incompréhension de sa compagne du moment et la rupture !

Dans cet opuscule relativement court mais qui vous emmènera dans un tourbillon qui vous donnera le vertige (une illumination ? le satori ?), vous rencontrerez Saint François d'Assise confirmant l'antispécisme affirmé de l'auteur, partageant mon propre amour et ma réhabilitation des animaux, nos frères pas inférieurs; Pierre Valdo (dont je partage la foi, l'Église vaudoise étant en communion avec l'Église réformée); Giordano Bruno; Maître Eckhart; Baruch***; Darwin; le Bouddha; Ralph Waldo Emerson, philosophe américain pourtant bien oublié; et, bien sûr, le Christ ! Car le Christ ne doit pas être écarté de la conception universaliste****.

S'il exprime son respect pour le christianisme et une de ses expressions le catholicisme, il sait égratigner Paul VI, et  il "assassine" François -avec toute mon approbation-.

 

Cet ouvrage (essai ? profession de foi ?) est à lire sans réserve, pour sa fraîcheur, l'enthousiasme communicatif de l'auteur, rédigé dans un style fluide, et dont certaines touches d'humour***** allègent le sérieux de la démonstration.   

On eût aimé quelques références, surtout pour les assertions concernant le monde animal, mais vous trouverez celles-ci dans mon propre ouvrage "Les énigmes de la conscience"...

Et son assertion introductive, "L'existence de Dieu ne se prouve pas [...], elle se sent" fait écho à mon propre ouvrage** : "La définition de la conscience ne peut être qu'axiomatique, elle ne se définit pas, ne se démontre pas, elle s'éprouve".

 

*de nombreuses personnes, dont Charles de Foucault, Camus, ont évoqué cette capacité du désert à provoquer des expériences mystiques. Mon propre fils en a participé dans le nord du Niger !

**Les énigmes de la conscience. Frison-Roche. Paris 2018.

***Il me permettra cependant de n'être point d"accord avec "le spinozisme est un panthéisme agnostique qui n'ose pas dire son nom". Je me suis fait donner une leçon sévère sur un forum où j'avais écrit ceci, par un prof de philosophie. Frédéric Lenoir, dans "Le miracle Spinoza" montre bien l'aspect dévot et transcendantal de la pensée de "Baruch-Bento".

****Le mystique Râmakrishna raconte que, dans un accès de désespoir spirituel, il s'adressa à Dieu un soir en ces termes : "Dieu, si tu ne m'apparais pas, je te jure d'aller mettre ma tête sur le rail d'à côté au passage du premier train". Et, vers minuit, il vit une lumière douce naître dans sa chambre et un visage apparaître... celui du Christ ! Il raconta son étonnement qu'à lui, hindouiste, ce soit le visage du Christ qui apparut comme image de Dieu !

*****"Épicure, l'anti-épicurien"; "François d'Assise, saint et voyou"; "Giordano Bruno, le prophète prophétique"; "Quelques adresses où 

 

 

Que voici un titre mal choisi ! Certes l'auteur reprend ici l'hypothèse d'un accord entre Jésus et Judas pour une "fausse trahison", mais cet ouvrage est en fait une analyse brillante, profonde, documentée et argumentée, de toute l'histoire du début du christianisme sous l'éclairage sociologique, historique, géopolitique de cette confrontation entre le monde impérial latin et le monde sémite. 

Lorsque Pilate, qui veut accomplir son mandat de proconsul  romain, soucieux de maintenir l'ordre et la loi de l'Empire en défendant son autorité et en ménageant les instances et les peuples locaux, affronte  Caïphe, qui veut maintenir la pureté de la foi  hébraïque et au passage préserver la position dominante des saducéens, c'est en fait la confrontation de monde romain et du monde sémite dont sortira le Christianisme !

Sur la forme, l'auteur utilise les outils du roman historique pour faire parler les personnages et rendre vivants toutes les scènes et situations décrites, tout en s'appuyant rigoureusement sur les textes, rendant la lecture plaisante et captivante de ce qui aurait pu être un pensum universitaire ! De ces textes chrétiens, il en donne parfois une traduction différente de celles que l'on peut lire communément. Il s'appuie sur des textes hébreux pour illustrer et expliquer certaines scènes, telles que le lavage des pieds des disciples, et la première cène. Rien que pour ces raisons ce livre doit être lu.

Mais il est surtout original par l'approche sociologique. Jean-pierre Giovenco ne cache pas sa laïcité -il m'a confirmé n'être que "déiste"- et son idéologie de gauche. Il interprète les miracles comme thaumaturgie et amplifications populaires de faits explicables -on peut le suivre- mais aussi la résurrection et les apparitions de Jésus comme la transcription par écrit dans les évangiles des rêves de ses disciples, hommes et femmes, après la mort si éprouvante, de leur maître -c'est original et c'est la première fois que j'entends cette hypothèse, on peut ne pas le suivre-.

Mais surtout, fondamental, il se fait le transmetteur de Gramsci qui édicta que les révolutions matérielles sont en fait précédées et provoquées par les révolutions des idées. Le siècle des Lumières précède et induit la Révolution française.

Et le message de Jésus est révolutionnaire ! 

La distribution des pains et poissons (qui s'est produite deux fois) ? la distribution de nourriture aux pauvres !

Les guérisons ? les soins gratuits pour tous !

Le féminisme en action, en ces temps où la femme n'était destinée qu'à la reproduction et aux travaux ménagers : la permission à une soeur de Lazare de l'écouter prêcher plutôt qu'aller à la cuisine; la grâce de la pécheresse condamnée à la lapidation; l'admission de nombreuses femmes dans sa cohorte de disciples. Les enfants dans ces temps où "on ne comptait pas les femmes et les enfants" accèdent avec Jésus à la dignité.

L'égalitarisme le pus absolu, où les malades, les humbles, les collecteurs d'impôts, les pécheurs et artisans, sont mis au rang des prêtres, des rabbins, des riches.

L'internationalisme, où Jésus n'hésite pas à guérir la fille du Centurion, de prêcher à des femmes païennes, d'accepter de l'eau d'une samaritaine (l'horreur absolue, les Juifs méprisant ces hérétiques juifs, on hait le plus les frères ennemis).

Le refus du juridisme étroit : mieux vaut récolter le jour du sabbat que de laisser un orage de grêle menaçant détruire la récolte).

Et même la séparation de l'Église et de l'État ! "Rendez à César...". c'est cette affirmation que "mon royaume n'est pas de ce monde" qui rendra Ponce Pilate perplexe sur la justification de la condamnation à mort.

On comprend qu'un tel message ait horrifié les juifs rigoureux et ait peut-être décidé Pilate à accepter la crucifixion de Jésus (peine réservée à ceux qui s'opposaient à l'État).

Un livre puissant, original, dont la lecture devrait être obligatoire pour tout individu voulant saisir cette époque dans sa réalité, éclairée par une vision objective et non par une vision religieuse (qu'elle soit positive ou négative).

On se rend compte que l'auteur a quatre décennies de journalisme, notamment au "Monde" dont il fut secrétaire général de la rédaction,rédacteur en chef de "Dossiers et documents", a accompli de nombreux voyages sur le terrain, qui lui ont permis d'acquérir des connaissances et permis une réflexion approfondie.

L'ouvrage est suivi d'un cadre chronologique et d'une galerie de bibliographies fort instructive sur des personnages peu connus (les multiples Hérodes ...)

Ce livre est édité chez Édilivre, autant dire auto-édité. Il est déplorable qu'aucun éditeur classique ne l'ait édité, même pas une maison ayant des collections religieuses,  spirituelles ou historiques.

 

 

Traité d'Athéologie.

Michel Onfray.

Grasset 2005.

 

Le "Traité d'athéologie" de Michel Onfray[1] . est confondant de pauvres arguments. Introduit par une longue citation de Nietzsche, il ne fait que démontrer que n'est pas Nietzsche qui veut. Ce traité, qui se veut une version moderne du "Traité des trois imposteurs, Moïse, Jésus, Mahomet" d'un auteur inconnu du XVIIe siècle,[2] est une longue imprécation principalement contre le catholicisme. Le judaïsme est égratigné – peur d'être taxé d'antisémitisme ? –, et l'Islam à peine évoqué – peur d'être décapité ? –. Le philosophe montre une incapacité à comprendre le symbole derrière l'image – il se gausse du paradis musulman avec ses houris et ses vierges offertes à la concupiscence du croyant, qui pourra enfin se repaître de porc et s'enivrer–, à décrypter l'allégorie derrière le récit historique. On aurait pu s'attendre à ce que le philosophe fasse un effort de compréhension de ce qui fait le fondement  du christianisme, mais il en reste à une connaissance primaire. Jésus "rejeton d'un charpentier et d'une vierge". Hormis que notre mère à tous a été vierge avant notre conception, la base du christianisme est bien que Marie a été fécondée spirituellement. Pour se gausser des évangiles, il fait appel à un évangile déclaré dès le début de l'Église comme apocryphe, l'évangile de l'enfance où le jeune garçon Jésus étrangle des oiseaux pour les ressusciter et ébahir ses amis. Quand, sortant de l'athéologie proprement dite, il ressort à charge la conduite de Pie XII pendant la seconde guerre mondiale: « l'acmé de cette haine réside dans la collaboration active du Vatican et du nazisme, […] et la détestation commune d'Hitler et de Pie XII des juifs[3] », … on constate plutôt "l'acmé de cette haine" du philosophe.

         Enfin, the last but not the least, quand Michel Onfray fait appel à la Science pour ridiculiser le christianisme, il se fourvoie et révèle son ignorance. « Dans l'atmosphère studieuse de leur cabinet de travail, des scientifiques affirment le polygénisme[4]. "Contradiction", éructe l'Église : "Adam et Ève sont réellement le premier homme et la première femme, avant eux, rien n'existe" ». Dès avant 2005, n'en déplaise à Monsieur Onfray, la démonstration a été faite de l'origine de toute l'humanité –Homo erectus, faber, neandetalensis, sapiens- à partir d'un seul couple, ou d'un très petit groupe, une famille restreinte. Et ce sont des généticiens français qui, se lançant la comparaison des chromosomes humains et simiens, l'ont établi ![5]

Pauvres arguments !

[1] Grasset et Fasquelle, 2005.

[2] Max Millo éditions, Paris, 2002

[3] On se demande bien pourquoi le grand rabbin de Rome s'est converti au catholicisme la paix revenue.

 

[4] Origine multiple des lignées humaines à partir des pré-hominiens.

[5] Le détail et les références de ces travaux soit analysés dans mon ouvrage "Les énigmes de la conscience" p. 93 sq

 

 

 

Thomas Römer est titulaire de la chaire des Milieux bibliques au Collège de France. Frédéric Boyer est écrivain, traducteur, et a dirigé le chantier de La Nouvelle Traduction de la Bible chez Bayard. 

On pouvait s'attendre à un ouvrage de valeur venant de ces deux spécialistes, et... il l'est ! Il est voire  capital pour qui veut comprendre le message biblique car il répond à cette interrogation (et objection des opposants) lancinante et irritante devant les multiples contradictions  que contiennent ces récits. 

Un lecteur attentif et scrupuleux pourra se demander pourquoi à dix lignes de différence Noë embarque un couple de chaque espèce animale, puis un mâle et six femelles des espèces pures... -anecdotique certes-, mais un lecteur même peu attentif s'interrogera devant l'objection de Caïn craignant d'être tué par les autres hommes, alors que les habitants de l'Eden à ce stade de l'histoire ne sont plus que trois ! Il s'interrogera de même sur le message de paix biblique et les récits guerriers abominables de la conquête de Canaan ! Et Moïse recevant l'ordre "Tu ne tueras pas" sur le Sinaï et immédiatement en descendant ordonnant le masacre de milliers de ceux qu'il a entraîné dans cette aventure de l'Exode.

La Bible est un patchwork, ne cesse-ton de rappeller. Certes, mais alors les scribes et prêtres qui ont rassemblé et cousu les échantillons étaient bien peu attentifs...

Eh bien Römer et Boyer, dans une langue et un exposé clairs ("ce qui se conçoit bien" ...) apportent une réponse documentée et convaincante. J'ai assisté au Temple de l'Oratoire de Paris à un exposé de Thomas Römer sur son ouvrage : cela me fut inutile car la lecture de son ouvrage apporte les réponses sans ambiguïté !

Je ne donnerai pas la réponse de Römer et Boyer, laissant le lecteur la découvrir par lui-même... 

On peut relever, si l'on se livre à une psycho-analyse sommaire, que les auteurs exposent en sous-main, ou en sous-entendu, une thèse politique : la Bible est un écrit de la diaspora et pour la disapora, elle n'est pas un écrit pour un peuple dans une terre... L'Israël moderne est le seul état juif qui ait existé, ou se revendiquant tel. Sauf de brefs intervalles sous les Rois.  

Y aurait-il ici une critique douce de la politique d'Israël ? Mais en même temps, en démontrant que les récits de violence guerrière et de conquête étant mythiques (Jéricho était abandonnée depuis belle lurette quand les Hébreux commirent "le premier génocide", et on n'y a jamais découvert de vestiges de murailles !) et inserré de récits guerriers  perses, les auteurs exonèrent les Juifs de cette violence originelle !

Cette étude étudit principalement "l'Ancien Testament", qui est lui-même mutiple (Canon de Babylone, canon d'Alexandrie, canon des samaritains, écrits "grecs" dont on découvrit des originaux en hébreux etc.).

Conseils de lecteure : à lire. Dans mon ouvrage "L'essence du christianisme", je notais en bibliographie: "ce livre ["Naissance de Dieu, la Bible et l'historien", Bottero], ets un  ouvrage capital et unique analysant et synthétisant la naissance et l'évolution du judaïsme. Indispensable à connaître pour quiconque aspire à comprendre le judaïsme. Le livre de Römer et Boyer est à ajouter.

Par qui ? par tous ceux qui s'intéressent à la Bible et son histoire : croyants, incroyants (les contradicteurs surtout), étudiants, historiens.

DIEU la science les preuves. Michel-Yves Bolloré, Olivier Bonnassies.

Guy Trédaniel.2022. 577 pages.

Comme postulé par bien des philosophes et théologiens, et moi-même modestement, la Science, même sacralisée par une majuscule, ne peut, ni ne pourra jamais, prouver Dieu, ni l'improuver !

Parce que cette démonstration n'est pas du même domaine de la pensée et des concepts, et parce que la définition même de la notion de "Dieu" ou dieu est multiple et souvent par définitions pro domo. Comme je le cite dans mon ouvrage "Les énigmes de la conscience" (Frison-Roche, 2018), un physicien a dit :"Dieu, je veux bien que ce soit l'Énergie, mais il nous faut nous prosterner devant un morceau de charbon!". Et  bien des auteurs en appellent à Einstein, et d'ailleurs Boloré et Bonassis tentent maladroitement de la page 295 à 301 (!) d'en faire un croyant, dont l'idée de Dieu était spinozienne voire plus "déshumanisée" encore : «Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle dans l'harmonie bien ordonnée de ce qui existe, et pas en un Dieu qui se préoccupe du destin et des actions des êtres humains».

Cet ouvrage ne convaincra pas un seul athée militant, mais il en fera réfléchir plus d'un, s'il est ouvert d'esprit. Heureusement il raffermira les croyants de tout type...

Alors ce livre est-il superflu ? ce travail inutile ?

Non !

Il résulte d'un immense travail de la part des auteurs, pourtant ni théologiens ni chercheurs scientifiques de métier (l'un est polytechnicien, diplômé de HEC et licencié en théologie quand même, l'autre ingénieur de l'ENSI de Toulouse et docteur en gestion...) mais ces formations valident un certain niveau de QI, de capacité à étudier, réfléchir, comprendre. Ils se sont fait accompagner de plus de 20 experts de haut niveau, ont dû assimiler de monstrueuses connaissances. On peut donc leur faire une absolue confiance.

En somme, ce livre est une "somme théologique" d'aujourd'hui, et mérite d'être mis dans la bibliothèque de tout "honnête homme" d'aujourd'hui, à côté de celle de Thomas d'Aquin -si elle s'y trouve...

Mais il aurait dû être titré "Dieu, les preuves".

En effet seul le premier tiers développe les aspects de la physique moderne (relativité et quantique, plus la cosmogonie) en appel à l'existence de Dieu (cette fois-ci conçu comme le Dieu personnel de la Bible, conscient, créateur actif et attentif aux destins des Hommes : remercions les auteurs de cette honnêteté, faisant foin des idées spinoziennes, déistes, panthéistes).

Certes la flèche du temps induite par l'augmentation inexorable de l'entropie, la théorie du Big Bang, induisent que l'Univers a eu un début, qu'il aura une fin. Il n'est pas statique et incréé.

Par contre l'appel aux "réglages fins", si à la mode en ces temps, n'est en rien une preuve de ce Dieu. Rappel : les constantes de notre univers sont nombreuses et ultra-précises : si une seule constante était différente d'un milliardième de ce qu'elles sont, et l'univers n'aurait pu se créer ! Certes, mais rien n'inclut qu'une quelconque entité les ai créées ! Elles sont, point final. Le rapport entre le diamètre de l'électron et du proton, les forces faibles et fortes, la constante de Planck, SONT, sans plus ! Le nombre Pi est incommensurable, il ne finit jamais. Il résulte du rapport entre le diamètre et la circonférence d'un cercle. Personne ne l'a créé pour qu'il les mesure ! Il en est de même de e. 

Montrant  l'originalité  ce livre, le problème qu'a posé la preuve que l'Univers a un début aux athées idéologiques est développé de manière importante et utile. Il est bon de savoir le nombre de savants allemands, et pas seulement juifs, qui ont été persécutés, destitués, forcés à l'exil, et exécutés par les Nazis. Et (Hannah Arendt !) le nombre encore plus important de Russes, juifs ou non, torturés, emprisonnés, exécutés, par les soviétiques ! Un ésotériste y verrait, lui, une preuve de l'existence du Dieu de la Bible, car cette preuve a bien excité les suppôts du Diable !

À partir de la page 218, les auteurs passent de la physique à la biologie -nous restons dans le domaine de la Science- pour voir dans l'émergence de la vie la preuve d'une intelligence créatrice et même "destinatrice", et les auteurs font le lien avec la dernière partie de leur démonstration physique : le principe anthropique ! L'Univers a été créé dans le but d'offrir un lieu pour qu'apparaisse la vie, et l'Homme !

Force est d'avouer que la démonstration que l'émergence de la vie, depuis les premières molécules organiques, jusqu'à la constitution de la première cellule, qui est déjà d'une d'une effroyable complexité, et aux organismes multicellulaires, semble donner raison à l'hypothèse d'une intelligence au-delà de toute mesure, même ou surtout pour moi, généticien !

Au passage, les auteurs mettent en évidence de manière plaisante la version ultime du paradoxe de  "l'œuf et de la poule" : l'ADN dans le noyau est copié en ARN, celui-ci quitte le noyau pour aller dans le cytoplasme passer dans un ribosome (fait d'ARN lui-même) pour y être transcrit en protéines, constituant de notre être. Mais ces mécanismes sont complexes, nécessitant l'action d'enzymes, des protéines, protéines elles-mêmes codées dans... l'ADN du noyau ! L'ARN transcrit ne peut induire des protéines que s'il subit l'action de ces protéines codées dans lui-même ! Qui est apparu le premier ? L'ADN ou la protéine ?

Mais voilà, Monod, notre premier prix Nobel de médecine contemporain, généticien es-qualité, l'a exprimé : «si Dieu existait, Il n'aurait pas créé les choses de manière aussi compliquée !»

L'émergence de la vie peut laisser entrevoir une puissance créatrice et intelligente, voire aimante, mais en aucun cas l'affirmer !

Un argument personnel, mais largement partagé dans le monde : un Dieu s'est donné tout ce mal pour en arriver à des êtres conscients qui vont vivre dans un monde qui est un enfer permanent de souffrance et de malheur, depuis les animaux qui ne cessent de s'entredévorer jusqu'aux Hommes qui ne cessent de torturer et tuer, non pour se nourrir, mais pour le plaisir, quel est ce Dieu ?

Ensuite les auteurs consacrent un bon tiers du livre à la philosophie, ce qui n'est pas prévu dans le titre. Et, comme dans tout argumentaire philosophique, les arguments trouvent tous des contre-arguments ! Quitte de temps à autre à recourir à la dialectique éristique. Je laisse les lecteurs en juger. Depuis les Grecs 2000 ans avant Jésus-Christ jusqu'à ce jour 2000 après, la philosophie n'a pu prouver ou improuver Dieu, alors ce livre ne le pourra pas !

Plaisant en revanche est la justification de la réalité -symbolique, les auteurs sont honnêtes- des récits bibliques, ancien et nouveau testament, et de la particularité du peuple juif, d'Ur à nos jours. Croyant et cherchant, je suis allé en Israël 14 jours sur les pas de Jésus et des ancêtres abrahamiques (je me suis incliné sur les tombeaux des patriarches à Hébron et de David à Jérusalem). Mais j'ai voulu comprendre l'état hébreu d'aujourd'hui. J'y ai vu l'extraordinaire épanouissement cet état et de cette nation! La construction de villes modernes et high-tech. Mais voir dans cette résurrection du peuple juif après 2000 ans d'errance et de persécutions une preuve de l'existence et de la sollicitude de Dieu envers lui m'étonne... Où était la sollicitude de Dieu pendant la Shoah, et le 7 octobre ?

Conclusion et conseils de lecture : sans qu'il soit indispensable, cet imposant ouvrage mérite d'être lu et possédé dans une bibliothèque. Il ne convaincra que les convaincus, ou convertira ceux prêts de l'être, il donnera quelques propositions de réflexion à tous. 

Il donnera en parallèle un aperçu de la nature humaine de nos grands savants, parfois bien faible. On y verra un Einstein excessif en tout : excessif et agressif anvers les physiciens qui développèrent les théories du début de l'Univers, dont le pauvre Friedmann (p.76) de la mécanique quantique, mais aussi sachant reconnaître clairement ses erreurs et s'excusant sincèrement. Refusant obstinément la mécanique quantique et un univers qui ne soit pas stable, et l'admettant par la suite clairement.

À noter des tables chronologiques de l'histoire de l'Univers, des constantes de la physique et des ordres de grandeurs de la biologie, tables originales, car complètes et utiles.

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