La dernière fois que j'ai rencontré Dieu. Franz-Olivier Giesbert.
Curieux homme que ce Franz-Olivier Giesbert.
On le connaît personnage médiatique, aux nombreuses apparitions télévisuelles, historien politique, essayiste et romancier prolifique, -sa liste "du même auteur" nécessite deux pages dans son dernier ouvrage-, et voilà qu'il paraît en mystique panthéiste dans une ode à la divinité -on ne peut la nommer Dieu, malgré le titre- d'inspiration toute hindouiste (auquel il fait largement référence). Bref un Vivekananda, Krishnamurti, Swami Ramdas, revus par Spinoza et Saint François d'Assise.
Si j'évoque Swami Ramdas ("maître adorateur de Ram" en hindi), c'est que, comme lui, Franz-Olivier est parti à travers le monde à la recherche de l'expérience mystique, dans le désert, dans un temple bouddhiste, comme Ramdas parcourait l'Inde à la recherche du darshan (la contemplation), et qu'il l'a trouvée !
Si, dans un premier ouvrage, "Dieu, ma mère et moi", "la pudeur l'avait retenu" de parler de Dieu, ici elle ne le retient plus de raconter ses illuminations, dont celle dans le désert* qui lui valu l'incompréhension de sa compagne du moment et la rupture !
Dans cet opuscule relativement court mais qui vous emmènera dans un tourbillon qui vous donnera le vertige (une illumination ? le satori ?), vous rencontrerez Saint François d'Assise confirmant l'antispécisme affirmé de l'auteur, partageant mon propre amour et ma réhabilitation des animaux, nos frères pas inférieurs; Pierre Valdo (dont je partage la foi, l'Église vaudoise étant en communion avec l'Église réformée); Giordano Bruno; Maître Eckhart; Baruch***; Darwin; le Bouddha; Ralph Waldo Emerson, philosophe américain pourtant bien oublié; et, bien sûr, le Christ ! Car le Christ ne doit pas être écarté de la conception universaliste****.
S'il exprime son respect pour le christianisme et une de ses expressions le catholicisme, il sait égratigner Paul VI, et il "assassine" François -avec toute mon approbation-.
Cet ouvrage (essai ? profession de foi ?) est à lire sans réserve, pour sa fraîcheur, l'enthousiasme communicatif de l'auteur, rédigé dans un style fluide, et dont certaines touches d'humour***** allègent le sérieux de la démonstration.
On eût aimé quelques références, surtout pour les assertions concernant le monde animal, mais vous trouverez celles-ci dans mon propre ouvrage "Les énigmes de la conscience"...
Et son assertion introductive, "L'existence de Dieu ne se prouve pas [...], elle se sent" fait écho à mon propre ouvrage** : "La définition de la conscience ne peut être qu'axiomatique, elle ne se définit pas, ne se démontre pas, elle s'éprouve".
*de nombreuses personnes, dont Charles de Foucault, Camus, ont évoqué cette capacité du désert à provoquer des expériences mystiques. Mon propre fils en a participé dans le nord du Niger !
**Les énigmes de la conscience. Frison-Roche. Paris 2018.
***Il me permettra cependant de n'être point d"accord avec "le spinozisme est un panthéisme agnostique qui n'ose pas dire son nom". Je me suis fait donner une leçon sévère sur un forum où j'avais écrit ceci, par un prof de philosophie. Frédéric Lenoir, dans "Le miracle Spinoza" montre bien l'aspect dévot et transcendantal de la pensée de "Baruch-Bento".
****Le mystique Râmakrishna raconte que, dans un accès de désespoir spirituel, il s'adressa à Dieu un soir en ces termes : "Dieu, si tu ne m'apparais pas, je te jure d'aller mettre ma tête sur le rail d'à côté au passage du premier train". Et, vers minuit, il vit une lumière douce naître dans sa chambre et un visage apparaître... celui du Christ ! Il raconta son étonnement qu'à lui, hindouiste, ce soit le visage du Christ qui apparut comme image de Dieu !
*****"Épicure, l'anti-épicurien"; "François d'Assise, saint et voyou"; "Giordano Bruno, le prophète prophétique"; "Quelques adresses où trouver Dieu"...