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Publié par René Mettey

 

Pavé lourd -750 g-, épais -560 pages-, parfois peu digeste -quelques passages aurait mérité un raccourci-, mais à lire de toute urgence, ou de toute nécessité, par les spinozistes, dont je suis, les anti-spinozistes, et ceux qui ne le connaissent pas !

Maxime Rovere est un expert de Spinoza et il a écrit de multiples et profonds ouvrages sur son "maître", mais ici il sort de son rôle antérieur pour nous livrer l'homme Spinoza.

Ce philosophe prétendu éthéré, efféminé, fragile, anorexique, enfermé en ermite dans sa chambre, pensant en profondeur tout en polissant en superficie des lentilles d'instruments optiques, il nous le fait devenir vivant et incarné, joyeux compère dans sa bande d'amis, aimant boire avec eux au cabaret, parfois plus que de raison (!), ayant certainement eu quelques aventures féminines, peut-être tarifées ! Parfois colérique, avec ses amis, ses ennemis. Et même téméraire et irréfléchi quand il veut  affronter la populace et manque de se faire dépecer, elle qui vient de massacrer les frères de Witt !

On est ici à mille lieux d'étendue de la substance jusqu'ici supposée de Baruch -ou Bento-.

On y voit exposée sa généalogie -complexe et fournie car les sépharades avaient de nombreux enfants- où l'on s'y perd un peu, voire beaucoup, mais dont l'histoire permet de comprendre mieux l'évolution in fine de la pensée de Spinoza. De famille marane espagnole puis portugaise, c à d de ces juifs convertis de gré ou de force, chrétiens de façade mais peut-être juif de derrière celle-ci. On comprend alors le retour sur la fin de sa vie au Dieu de l'ancien testament et à la figure de Jésus-Christ. C'est ce retour qui justifie encore aujourd'hui le refus de certains juifs de la levée du herem ("excommunication" juive).

On y voit vivre sa longue proximité intellectuelle avec de grands penseurs de ce temps, Oldenbourg, Huygens, Meyer, Newton. Au passage, "en prime", cet ouvrage nous fait connaître des personnalités connues ou peu connues, philosophes, scientifiques, hommes politiques, de ce siècle bouillonnant d'idées, et même nous fait découvrir la personnalité majeure de Sténon (qu'en tant que médecin je ne le connaissais que par le canal salivaire qui porte son nom !), médecin, philosophe, protestant devenu "spinoziste" puis mystique et propagandiste catholique ! Sténon avec qui Baruch eut de longs échanges amicaux puis inamicaux, et qui manquèrent la  réconciliation ultime de peu !

Rovere détruit aussi quelques mythes. La communauté juive d'Amsterdam et des Pays-Bas ne fut pas une communauté soudée et solidaire mais une population où régnait la compétition et l'exclusion ! On y constate un inattendu "antisémitisme" des séfarades envers la communauté askhénase polonaise !

Les "transits" de juifs vers le christianisme y étaient fréquents... autant que les passages de chrétiens au judaïsme ! (seule parfois la peur de la circoncision "à vif" en retenait certains !). Les unions concublnes ou ancillaires n'en étaient pas exceptionnelles entre les deux communautés, avec naissances douteuses.

On y ramène le herem prononcé contre Spinoza à sa juste valeur : un énoncé de formules rituelles dépassées, déclamées sans conviction, malgré l'ire du grand rabbin Saül Lévi Morteira, véritable Torquemada chez les juifs !

Rovere s'excuse en préambule de la forme "roman historique" de son ouvrage, mais il insiste sur la réalité de tout ce qu'il rapporte. Excuses acceptées : car les dialogues, descriptions de l'environnement, des habits, des boissons, des décors, donnent vie aux personnages. Un Nième traité savant sur Spinoza, on n'en avait pas besoin !

Conclusion : je le répète, à lire de toute urgence et de toute nécessité.

 

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