DIEU la science les preuves. Michel-Yves Bolloré, Olivier Bonnassies.
DIEU la science les preuves. Michel-Yves Bolloré, Olivier Bonnassies.
Guy Trédaniel. 2022. 577 pages.
Comme postulé par bien des philosophes et théologiens, et moi-même modestement, la Science, même sacralisée par une majuscule, ne peut, ni ne pourra jamais, prouver Dieu, ni l'improuver !
Parce que cette démonstration n'est pas du même domaine de la pensée et des concepts, et parce que la définition même de la notion de "Dieu" ou dieu est multiple et souvent par définitions pro domo. Comme je le cite dans mon ouvrage "Les énigmes de la conscience" (Frison-Roche, 2018), un physicien a dit :"Dieu, je veux bien que ce soit l'Énergie, mais il nous faut nous prosterner devant un morceau de charbon!". Et bien des auteurs en appellent à Einstein, et d'ailleurs Boloré et Bonassis tentent maladroitement de la page 295 à 301 (!) d'en faire un croyant, dont l'idée de Dieu était spinozienne voire plus "déshumanisée" encore : «Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle dans l'harmonie bien ordonnée de ce qui existe, et pas en un Dieu qui se préoccupe du destin et des actions des êtres humains».
Cet ouvrage ne convaincra pas un seul athée militant, mais il en fera réfléchir plus d'un, s'il est ouvert d'esprit. Heureusement il raffermira les croyants de tout type...
Alors ce livre est-il superflu ? ce travail inutile ?
Non !
Il résulte d'un immense travail de la part des auteurs, pourtant ni théologiens ni chercheurs scientifiques de métier (l'un est polytechnicien, diplômé de HEC et licencié en théologie quand même, l'autre ingénieur de l'ENSI de Toulouse et docteur en gestion...) mais ces formations valident un certain niveau de QI, de capacité à étudier, réfléchir, comprendre. Ils se sont fait accompagner de plus de 20 experts de haut niveau, ont dû assimiler de monstrueuses connaissances. On peut donc leur faire une absolue confiance.
En somme, ce livre est une "somme théologique" d'aujourd'hui, et mérite d'être mis dans la bibliothèque de tout "honnête homme" d'aujourd'hui, à côté de celle de Thomas d'Aquin -si elle s'y trouve...
Mais il aurait dû être titré "Dieu, les preuves".
En effet seul le premier tiers développe les aspects de la physique moderne (relativité et quantique, plus la cosmogonie) en appel à l'existence de Dieu (cette fois-ci conçu comme le Dieu personnel de la Bible, conscient, créateur actif et attentif aux destins des Hommes : remercions les auteurs de cette honnêteté, faisant foin des idées spinoziennes, déistes, panthéistes).
Certes la flèche du temps induite par l'augmentation inexorable de l'entropie, la théorie du Big Bang, induisent que l'Univers a eu un début, qu'il aura une fin. Il n'est pas statique et incréé.
Par contre l'appel aux "réglages fins", si à la mode en ces temps, n'est en rien une preuve de ce Dieu. Rappel : les constantes de notre univers sont nombreuses et ultra-précises : si une seule constante était différente d'un milliardième de ce qu'elles sont, et l'univers n'aurait pu se créer ! Certes, mais rien n'inclut qu'une quelconque entité les ai créées ! Elles sont, point final. Le rapport entre le diamètre de l'électron et du proton, les forces faibles et fortes, la constante de Planck, SONT, sans plus ! Le nombre Pi est incommensurable, il ne finit jamais. Il résulte du rapport entre le diamètre et la circonférence d'un cercle. Personne ne l'a créé pour qu'il les mesure ! Il en est de même de e.
Montrant l'originalité de ce livre, le problème qu'a posé la preuve que l'Univers ait un début, aux athées idéologiques est développé de manière importante et utile. Il est bon de savoir le nombre de savants allemands, et pas seulement juifs, qui ont été persécutés, destitués, forcés à l'exil, et exécutés par les Nazis. Et (Hannah Arendt !) le nombre encore plus important de Russes, juifs ou non, torturés, emprisonnés, exécutés, par les soviétiques ! Un ésotériste y verrait, lui, une preuve de l'existence du Dieu de la Bible, car cette preuve a bien excité les suppôts du Diable !
À partir de la page 218, les auteurs passent de la physique à la biologie -nous restons dans le domaine de la Science- pour voir dans l'émergence de la vie la preuve d'une intelligence créatrice et même "destinatrice", et les auteurs font le lien avec la dernière partie de leur démonstration physique : le principe anthropique ! L'Univers a été créé dans le but d'offrir un lieu pour qu'apparaisse la vie, et l'Homme !
Force est d'avouer que la démonstration que l'émergence de la vie, depuis les premières molécules organiques, jusqu'à la constitution de la première cellule, qui est déjà d'une d'une effroyable complexité, et aux organismes multicellulaires, semble donner raison à l'hypothèse d'une intelligence au-delà de toute mesure, même et surtout pour moi, généticien !
Au passage, les auteurs mettent en évidence de manière plaisante la version ultime du paradoxe de "l'œuf et de la poule" : l'ADN dans le noyau est copié en ARN, celui-ci quitte le noyau pour aller dans le cytoplasme passer dans un ribosome (fait d'ARN lui-même) pour y être transcrit en protéines, constituant de notre être. Mais ces mécanismes sont complexes, nécessitant l'action d'enzymes, protéines elles-mêmes codées dans... l'ADN du noyau ! L'ARN transcrit ne peut induire des protéines que s'il subit l'action de ces protéines codées dans lui-même ! Qui est apparu le premier ? L'ADN-ARN ou la protéine ?
Mais voilà, Monod, notre premier prix Nobel de médecine contemporain, généticien ès-qualités, l'a exprimé : «si Dieu existait, Il n'aurait pas créé les choses de manière aussi compliquée !»
L'émergence de la vie peut laisser entrevoir une puissance créatrice et intelligente, voire aimante, mais en aucun cas l'affirmer !
Un argument personnel, mais largement partagé dans le monde : un Dieu s'est donné tout ce mal pour en arriver à des êtres conscients qui vont vivre dans un monde qui est un enfer permanent de souffrance et de malheur, depuis les animaux qui ne cessent de s'entredévorer jusqu'aux hommes qui ne cessent de torturer et tuer, non pour se nourrir, mais pour le plaisir, quel est ce Dieu ?
Ensuite les auteurs consacrent un bon tiers du livre à la philosophie, ce qui n'est pas prévu dans le titre. Et, comme dans tout argumentaire philosophique, les arguments trouvent tous des contre-arguments ! Quitte de temps à autre à recourir à la dialectique éristique. Je laisse les lecteurs en juger. Depuis les Grecs 2000 ans avant Jésus-Christ jusqu'à ce jour 2000 après, la philosophie n'a pu prouver ou improuver Dieu, alors ce livre ne le pourra pas !
Plaisante en revanche est la justification de la réalité - symbolique, les auteurs sont honnêtes - des récits bibliques, ancien et nouveau testaments, et de la particularité du peuple juif, d'Ur à nos jours. Croyant et cherchant, je suis allé en Israël 14 jours sur les pas de Jésus et des ancêtres abrahamiques (je me suis incliné sur les tombeaux des patriarches à Hébron et de David à Jérusalem). Mais j'ai voulu comprendre l'état hébreu d'aujourd'hui. J'y ai vu l'extraordinaire épanouissement de cet état et de cette nation! La construction de villes modernes, la création d'usines high-tech, la transformation du désert de Neghev en plaines fertiles. Mais voir dans cette résurrection du peuple juif après 2000 ans d'errance et de persécutions une preuve de l'existence et de la sollicitude de Dieu envers lui m'étonne... Où était la sollicitude de Dieu pendant la Shoah, et le 7 octobre ?
Conclusion et conseils de lecture : sans qu'il soit indispensable, cet imposant ouvrage mérite d'être lu et possédé dans une bibliothèque. Il ne convaincra que les convaincus, ou convertira ceux prêts à l'être, il donnera quelques propositions de réflexion à tous.
Il donnera en parallèle un aperçu de la nature humaine de nos grands savants, parfois bien faible. On y verra un Einstein excessif en tout : excessif et agressif envers les physiciens qui développèrent les théories du début de l'Univers, dont le pauvre Friedmann (p.76), de la mécanique quantique, mais aussi sachant reconnaître clairement ses erreurs et s'excusant sincèrement. Refusant obstinément la mécanique quantique et un univers qui ne soit pas stable, et l'admettant par la suite clairement.
À noter des tables chronologiques de l'histoire de l'Univers, des constantes de la physique et des ordres de grandeurs de la biologie, tables originales, car complètes et utiles.